Vaincre le blues après la grande aventure

Vaincre le blues après la grande aventure

par: Lysanne Goyer, Ph.D.
Réf: GÉO PLEIN AIR

Vous connaissez le proverbe «Les cordonniers sont les plus mal chaussés»? Eh bien, en revenant du marathon de l’Everest, j’étais particulièrement mal chaussée. Pas littéralement, évidemment, puisque je portais mes Salomon Speedcross, que je garderai toute ma vie tellement ils étaient parfaits. Mais la psychologue en moi, elle, ne s’était pas préparée au choc du retour, et j’ai donc été victime d’une forme extrême de ce qu’on appelle le blues des vacances. Ironique, non?

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C’est après qu’un de mes abonnés Twitter m’eut recommandé ce sujet de chronique que j’ai consulté Internet pour voir ce qui existait sur la question. Résultat: pas d’études dans les revues scientifiques dites sérieuses, mais toutes sortes d’articles qui illustrent bien que le retour à la vraie vie, à la suite des vacances ou d’un voyage, ça ne se fait pas si facilement.

Selon une étude réalisée en 2009 par TripAdvisor* auprès de 564 voyageurs, 82,5 % des Français et 88 % des Anglais admettent avoir vécu pareille situation. Fatigue et déprime sont les premiers symptômes éprouvés au retour des vacances; appréhension de ce qui est à venir, envie de faire demi-tour et difficulté à se replonger dans la routine peuvent aussi être au rendez-vous, le temps de retrouver ses repères d’antan. Détail intéressant (et consternant): 58 % des répondants ont dit éprouver autant de stress qu’avant leur départ, à peine un mois après leur retour.

Si on ressent le blues après de simples vacances, pas étonnant qu’on soit sous le choc quand on vit la grande aventure de l’alpinisme, de l’escalade ou de la course extrême durant de nombreuses semaines, dans des pays exotiques!

Quand on songe à la seule demande physiologique exigée durant ce type de grande aventure, le choc du retour à la vraie vie s’explique aisément. Comme je le soulignais dans une précédente chronique, l’activité physique engendre une réaction biochimique qui a pour effet d’améliorer la santé physique et psychologique du corps humain, en même temps que le débit sanguin cérébral augmente et que le cerveau consomme mieux l’oxygène véhiculé par le sang. Les études sont claires: le sport est un catalyseur pour la mémoire, un antidépresseur naturel, une capsule antistress et un libérateur d’hormones du plaisir.

Quand on passe un mois à vivre de montagnes, de randonnées, d’aventures, de rencontres et d’eau fraîche, et qu’on libère des endorphines (les hormones du plaisir) à longueur de journée, il n’est pas étonnant que notre corps soit sous le choc quand on le ramène au travail, à la ville, aux agents stressants du quotidien et à un mode de vie plus sédentaire.

Avant mon départ pour le marathon, je refusais de penser au «post-Everest»: je comptais goûter pleinement tous les instants de cette merveilleuse expérience, sans placer mon corps en alerte pour une autre aventure, alors que je n’étais pas encore partie vivre l’Himalaya.

Certes, c’était plein de bon sens, mais un minimum de préparation aurait été souhaitable. Dès mon retour, mon corps avait un besoin intense d’être dehors, alors que je demeurais en dedans; j’avais besoin de courir, mais il fallait supposément me reposer. Bien vite, j’ai cessé de prendre mes vitamines et je n’ai plus eu envie d’écrire dans mes réseaux sociaux. Lorsque j’ai fait ma première épicerie, j’ai même peiné à placer les victuailles dans mon panier: en me rappelant le peu de vivres disponibles au Népal, les 50 sortes de céréales étalées sur les étagères montréalaises me semblaient grossières. Bref, j’étais face au vide, après avoir vécu un rêve qui surpassait toutes mes attentes.

Avec du recul, je constate que la plupart des grandes aventures comportent certaines caractéristiques communes:

    • choc et blues du retour, surtout quand on revient d’un pays en voie de développement ou très dépaysant;
    • difficulté à reprendre la routine du travail et à être confronté aux responsabilités;
    • difficulté à demeurer à l’intérieur alors qu’on était toujours dehors;
    • difficulté pour le corps de s’adapter au changement de rythme;
    • difficulté à faire face au vide, à répondre à la question «Et puis quoi, maintenant?».

Cela dit, et malgré tous les efforts qu’on peut déployer à se préparer au blues des vacances, du voyage ou de l’aventure, un petit choc est inévitable, physiquement et psychologiquement. Au fond, cette période est peut-être saine: c’est là une occasion pour se retrouver face à soi-même, être reconnaissant pour ce qui fut, et accepter que c’est dans ces périodes de transition qu’on se redéfinit et que naissent de nouveaux rêves.

Voilà déjà plusieurs mois que je suis revenue du toit du monde, et je suis maintenant pleine de vie et totalement motivée pour les prochaines aventures qui me montrent déjà le bout de leur chemin. Ça s’est fait tout doucement, dans le vide du retour…

Pour se prémunir efficacement contre ce «post-partum aventurier», je recommande de préparer un plan de retour progressif, où on fait place à la santé globale et où on détermine:

    • quel type d’activité physique on pratiquera durant la semaine du retour, en décidant où et quand se dérouleront les séances;
    • quel type d’activité plaisante et relaxante on s’autorisera à faire, dans la routine du quotidien qui reprend;
    • quels aliments sains on consommera afin de contribuer à «réparer» son corps;
    • quelle stratégie on adoptera avec les vitamines – je recommande de continuer à les prendre au moins un mois après la fin de l’aventure, afin d’aider le corps à se remettre d’aplomb;
    • à quel moment on ira passer un test sanguin afin de s’assurer qu’on n’a pas de carences vitaminiques ou de parasites;
    • un horaire de retour au travail, où les trois premières journées permettront de se remettre à jour sans stress majeur.

Pour s’adapter au choc du retour, je recommande également ceci:

    • écouter le rythme de son corps: peut-être veut-il encore jouer dehors ou, à l’inverse, veut-il se reposer;
    • être patient avec soi-même et réaliser que le blues du retour est normal et passager;
    • reprendre son travail en douceur en s’attaquant d’abord aux dossiers les plus intéressants;
    • se remémorer son voyage en classant ses photos et en ornant son bureau des plus beaux souvenirs;
    • faire une liste de différentes possibilités d’aventures à venir, sans nécessairement arrêter son choix, rien que pour planifier tranquillement un nouveau projet;
    • accepter ce choc comme une période de transition et de réflexion, qui mènera à autre chose de beau, de bien, de bon.
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